Suite de notre entretien avec Jean-Paul Le Pelletier*, ancien Président de la CCI de Guyane. Dans ce second volet, il aborde pour DOM COM INVEST les questions agricoles et le vrai potentiel de ce secteur.

Quelles sont les perspectives économiques de l’agriculture en Guyane ?

La Guyane présente un vrai paradoxe géographique : nous occupons un vaste territoire mais notre agriculture est encore sous-structurée. Il y a tout d’abord une explication historique : le département n’a jamais été une colonie de peuplement. Ensuite, il y a une explication physique très simple : c’est un continent avec un sol pas aussi riche qu’en métropole par exemple, et avec une nature particulièrement envahissante. Gagner du territoire sur la forêt représente donc un coût significatif, qui pèse sur son développement.

Mais ses perspectives sont importantes. Il y a tout d’abord la démographie. Avec sa croissance exponentielle, la Guyane présente aujourd’hui un vrai marché intérieur. Il suffit de voir la réussite de la communauté Hmong pour s’en convaincre. Ensuite, il reste encore beaucoup de choses à faire pour atteindre l’autosuffisance, en particulier dans l’élevage.

D’ailleurs une des orientations politiques va dans ce sens. Si le secteur primaire représente aujourd’hui 4 % de l’économie du territoire, son objectif est à 10 % pour 2022. C’est donc un secteur très dynamique, car les besoins existent.

Quelle sera, d’après vous, la place des Hmong demain ?

Ils prendront de plus en plus d’importance. D’ailleurs, le Président de la Chambre d’Agriculture de Guyane actuel est Hmong. Beau symbole de la place prise aujourd’hui par cette communauté particulièrement dynamique.

Mais de nouveaux défis vont se présenter à eux. Face aux excédents de production qu’ils pourront rencontrer, il y a aujourd’hui un double enjeu : développer une agro-industrie qui n’existe quasiment pas et accentuer les efforts sur les exportations. Concernant ce dernier point, nous sommes en contre saison complète avec les Antilles, ce qui peut assurer une véritable complémentarité sur certains produits entre les deux régions.

Quel sera, d’après vous, la place d’un dispositif fiscal comme le Girardin Agricole ?

Il y a aujourd’hui deux difficultés majeures pour les agriculteurs qui veulent s’installer ou se développer : l’accès au foncier cultivable et les infrastructures. Or, toute extension agricole implique obligatoirement la conquête d’un nouveau territoire sur la forêt. Les coûts d’installation (déforestation, eau, électricité, pistes, protection générale…) sont donc élevés.

Sans la Girardin Agricole et la Girardin Industrielle, pas de développement de l’agriculture. Ici, les politiques publiques et fiscales ont un réel impact et servent à quelque chose. Il faut au mieux les maintenir, mais plutôt les intensifier. Car le besoin est réel et c’est un vrai investissement, pour répondre à un vrai besoin.

Il faut rassurer ceux qui choisissent ce dispositif : cet argent s’inscrit dans une politique active de développement avec un risque très limité.

Suite aux événements du printemps dernier, quels seront les impacts des mesures gouvernementales ?

Pour moi, le grand gagnant du mouvement social de mars dernier, c’est d’abord la collectivité territoriale de Guyane (et naturellement ses habitants). En effet, il y a enfin eu de vrais engagements de l’Etat pour un rééquilibrage réel en termes de possibilités d’investissement pour cette institution locale très jeune.

Il va y avoir un véritable effort en faveur des infrastructures (routes, ponts, collèges…). C’est une avancée significative. D’autres aspects de ces aides sont encore en négociation avec le nouveau gouvernement mais une chose est certaine : ce sera, par ricochet, très bénéfique pour l’agriculture guyanaise.

DOM COM INVEST

* Jean-Paul Le Pelletier a été Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Guyane de 1994 à 2015. Il est aujourd’hui consultant en stratégie de développement pour la région Antilles-Guyane.